LE CHIFFRE
C’est le numéro de l’article de la loi de finances pour 2024 qui pose les bases du nouveau système de redevances des agences de l’eau.
A compter de 2025, les actuelles redevances pour pollution d’origine domestique et de modernisation des réseaux de collecte seront supprimées et remplacées par 3 nouvelles redevances dont les caractéristiques générales sont les suivantes (cf. formulations complètes aux articles L.213-10-4, L.213-10-5 et L.213-10-6 du Code de l’environnement. Nota : les liens ouvrent les versions des articles telles qu’elles seront en vigueur le 1/01/2025).
Pour chaque redevance, les tarifs de référence ainsi que les valeurs des divers coefficients seront prochainement fixés par les Agences de l’eau.
Simultanément, les primes pour performance épuratoire cesseront dans les bassins où elles existent encore : les services éligibles jusqu’à présent devraient se voir appliquer une valeur faible pour le « coefficient de modulation », synonyme de montant réduit pour la redevance pour la performance des systèmes d’assainissement collectif.
En grandes masses, ce nouveau système est conçu pour générer une recette totale équivalente à celle issue des 2 redevances qu’il remplace (≈1,5 Md€ au niveau national). A l’échelle de chaque service, les flux financiers pourront toutefois être très différents de ceux que l’on connaît aujourd’hui, d’autant que l’un des changements majeurs introduits par cette réforme est que les 2 nouvelles redevances sur la performance seront dues par le service et non par l’usager comme le sont les redevances pour pollution de l’eau et pour modernisation des réseaux jusqu’à présent.
En 2025, année de transition, les coefficients maximums devraient être appliqués à tous les services , indépendamment de leur situation véritable, ce qui minorera leur contribution. Ce n’est qu’à partir de 2026 que les « bons » coefficients seront calculés pour chacun, sur la base de sa performance réelle déclarée notamment sur SISPEA, ce qui renvoie à la question de la remontée d’informations (fiabilité, croisement de sources, temporalité…) et de leur représentativité (ex : faible nombre d’analyses / an).
Gageons que dans les prochains mois de nombreuses publications et réunions assureront la pleine information des services sur cette réforme qui soulève de multiples questions et dont l’impact financier pour chaque exploitant ne peut pour l’instant être estimé. Il leur faudra alors ajuster les prospectives budgétaires, mettre à jour les logiciels de facturation, avenanter les contrats de DSP ainsi que les conventions de vente / achat d’eau ou de déversement d’eaux usées, actualiser la transmission des données d’assainissement lorsque la facturation est assurée par le service d’eau, etc. Source : art. 101 I. 7° et 8° de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024
L’ARRÊT
Le dispositif « Warsmann » d’écrêtement des factures d’augmentation anormale de la consommation d’eau est souvent source de difficultés dans les services d’eau, compte tenu de la diversité des cas à traiter et des enjeux financiers qui y sont généralement associés.
Il y a quelques mois la Cour d’Appel de Nîmes a rappelé que le formalisme détaillé tant dans la loi (art. L.2224-12-4 III bis CGCT) que dans son décret d’application (art. R.2224-20-1 CGCT) est extrêmement important.
Pour mémoire, les textes conditionnent l’application de ce dispositif au respect de diverses obligations par les 2 parties :
- le service doit informer l’abonné dès qu’il « constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé par l’occupant d’un local d’habitation susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation ». Si cette information n’est pas fournie, « l’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne. ». Notons qu’une simple alerte de l’abonné ne suffit pas : le décret indique en effet que « cette information précise les démarches à effectuer [par l’abonné] pour bénéficier de l’écrêtement de la facture ».
- l’abonné doit présenter au service « dans le délai d’un mois à compter de [cette] information, une attestation d’une entreprise de plomberie indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite sur ses canalisations ».
Dans l’affaire jugée à Nîmes, un distributeur d’eau exigeait le paiement intégral de la consommation relevée au compteur, soit 10 103 €, faute d’avoir reçu de l’abonné l’attestation visée par les textes. Il a logiquement obtenu gain de cause : la loi prévoyant que l’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation litigieuse s’il présente cette attestation sous 1 mois, il va de soi qu’il ne peut se prévaloir d’un droit à l’écrêtement de sa facture s’il ne respecte pas cette condition.
Au préalable, la Cour s’est toutefois assurée que l’information fournie par le distributeur lors de l’annonce de la détection d’une consommation anormale était lisible et claire : ici, elle a jugé que le fait que la facture était accompagnée d’un document dédié, comprenant un encadré en gras et très explicite, répondait à l’obligation en la matière.
Source : CA Nîmes, 21/09/2023, n°22/01331. Pour 1 exemple de sanction d’une information insuffisante de la part du service d’eau (en l’occurrence : simple information verbale) : cf. CCass 21/03/2018, n°17-13.031.
A l’occasion du transfert de compétence, l’assujettissement à la TVA du service d’assainissement en régie est-il obligatoire ?
Non : le transfert en lui-même est neutre de ce point de vue.
La règle, posée par l’art. 260 A du Code général des impôts (CGI), est la suivante :
« Les collectivités locales, leurs groupements ou leurs établissements publics peuvent, sur leur demande, être assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des opérations relatives aux services suivants : (…) assainissement »
Par défaut, un service d’assainissement géré en régie est donc toujours non-assujetti et son assujettissement relève toujours de l’option volontaire, que le service soit communal ou intercommunal (CA, CC, syndicat…) et quelle que soit sa population.
Dans ces conditions, pourquoi se poser la question au cours des études préalables au transfert ?
On peut identifier des enjeux de 2 natures différentes.
D’une part le choix de services communautaires de s’assujettir lors du transfert de compétence peut répondre à des préoccupations organisationnelles et administratives, notamment :
- la volonté de simplifier la gestion administrative et comptable en appliquant le même régime de TVA à leurs services d’eau et d’assainissement. Or, pour les régies d’eau potable, l’assujettissement est obligatoire dès lors qu’elles opèrent sur un territoire de plus de 3 000 hab. (art. 256 B du CGI), c’est-à-dire (quasiment) toujours pour les régies d’eau communautaires. Le choix de l’assujettissement du service d’assainissement relève dans ce cas d’un simple alignement sur le régime dont relève le service d’eau : commodité, identité des formalités et des procédures, etc. ;
- le souhait de tenir 1 budget commun à l’eau et l’assainissement : en effet, dans les EPCI ne comptant aucune commune de plus de 3 000 hab., l’art. L.2224-6 CGCT permet cette pratique sous réserve d’unicité de mode de gestion et de régime de TVA pour les 2 services. Sur ce point encore, la régie d’eau communautaire étant sauf exception assujettie de plein droit, travailler avec 1 budget commun impose d’assujettir le service de l’assainissement ;
- le souhait de simplifier la présentation de la facture des usagers, en appliquant la TVA à tous les éléments qui la composent (y compris les redevances de l’Agence de l’eau), à 5,5% pour la partie eau et à 10% pour la partie assainissement ;
- l’extension à tout le périmètre communautaire d’un régime déjà appliqué par certaines communes à leur service d’assainissement avant le transfert.
Par ailleurs, l’assujettissement peut également découler d’un calcul financier. Il convient pour cela d’avoir à l’esprit les principales implications des 2 régimes.
* Art. R.1615-4 CGCT
En d’autres termes, l’assujettissement permettra au service de diminuer ses charges de fonctionnement puisqu’il n’acquittera plus la TVA (impact sur l’essentiel du chapitre budgétaire 011), mais lui imposera dans le même temps d’appliquer la TVA à 10% sur les factures de ses usagers.
Pour apprécier l’intérêt global, le service doit donc analyser la structure de ses charges de fonctionnement : l’économie qu’il réalise par le paiement HT d’une partie de ses dépenses compense-t-elle la hausse des factures des usagers due à l’application de la TVA à 10% ?
De façon schématique, on peut illustrer cette démarche de la façon suivante*.
* Cette présentation est évidemment simplifiée, notamment :
- il est considéré par commodité que les charges grevées de TVA le sont intégralement au taux normal (20%), mais les « prestations qui concourent au bon fonctionnement des réseaux » le sont à 10% (cf. BOFIP BOI-TVA-LIQ-30-20-30). Le calcul doit donc être affiné pour tenir compte de ce paramètre ;
- il est postulé que sur les investissements, l’assujettissement à la TVA ou le bénéfice du FCTVA est financièrement neutre, ce qui n’est pas tout à fait exact ;
- le comparatif est présenté en grandes masses pour le service mais à l’échelle individuelle tous les abonnés ne sont pas affectés de la même façon : les abonnés domestiques payent TTC ; les abonnés professionnels récupèrent la TVA et payent donc HT.
Par défaut, l’option s’exerce séparément pour le service d’assainissement collectif et pour le SPANC car ils relèvent de 2 budgets distincts.
Pour ce dernier, la question ne se pose guère : si la régie fonctionne avec du personnel propre, exercer l’option n’a pas d’intérêt. En effet, l’essentiel de ses charges de fonctionnement est de la masse salariale, et il acquitte très peu de TVA (peu de fournitures, de prestations…). Or, une fois encore, s’il s’assujettit, il devra appliquer la TVA sur les factures des usagers (20% en ANC). In fine, le service n’aura donc qu’un faible gain par la récupération de TVA mais les abonnés subiront une majoration importante. Si toutefois les missions sont externalisées via un marché public, la situation s’inverse : le service a alors très peu de charges de personnel et le coût de cette prestation est intégralement grevé de TVA. La situation mérite alors un examen plus fin.
Si enfin assainissement collectif et non collectif sont tracés dans un budget commun, la réflexion se fait à l’échelle de l’ensemble.
De façon générale, chaque service doit donc évaluer l’intérêt qu’il peut tirer de l’exercice de l’option en vue de l’assujettissement à la TVA. Cette décision étant irréversible pendant 5 ans (art. 201 quinquies CGI Annexe II), il est préférable de faire ce calcul sur la base des charges moyennes sur plusieurs exercices.
En tout état de cause, quel que soit le motif de l’assujettissement, celui-ci n’est pas la conséquence du transfert mais bien d’une décision de la CC à l’occasion de celui-ci.
Comment donner une traduction réaliste des impayés dans les documents budgétaires d’un service d’eau ou d’assainissement ?
Les documents budgétaires du service (BP, CA) donnent à voir les montants facturés totaux, mais pas la recette réelle : en effet, comptablement, les factures constituent des créances détenues par le service sur les usagers, qui sont retracées uniquement dans la comptabilité du trésorier : elles n’apparaissent donc pas dans le CA.
Or, une part plus ou moins importante des factures ne sont pas payées dans les délais, voire pas payées du tout, ce qui génère au mieux un décalage dans le temps, au pire un manque à gagner définitif. Ces sommes sont donc des créances fictives qui peuvent conduire à générer un résultat en trompe l’œil, qui ne se traduit pas par de la trésorerie.
Par conséquent, il importe de suivre le recouvrement afin de bien connaître la situation financière réelle du service.
Deux instruments potentiellement complémentaires sont utilisés pour traduire comptablement ces cas de figure : les provisions et les admissions en non-valeur.
Le mécanisme des provisions concrétise le principe de sincérité des comptes : il s’agit de comptabiliser une perte financière probable dès lors que l’on juge qu’il existe un risque élevé qu’une créance ne soit pas honorée.
Dans cette logique, l’art. L.2321-2 du CGCT intègre ces provisions dans la liste des dépenses obligatoires, pour toutes les communes quelle que soit leur population. En complément, l’art. R.2321-2 fait obligation au maire (et non plus à l’assemblée délibérante depuis 2022) « lorsque le recouvrement des restes à recouvrer sur compte de tiers est compromis malgré les diligences faites par le comptable public [de constituer] une provision (…) à hauteur du risque d’irrécouvrabilité estimé par la commune à partir des éléments d’information communiqués par le comptable public. »
Comptablement, la provision est inscrite au compte c.6817 / Dotation pour dépréciation d’actif circulant : cela acte le passage de l’état de simple créance à créance douteuse. Son montant est ajusté annuellement en fonction de l’évolution du risque, d’une part pour tenir compte de nouvelles créances impayées qui s’accumulent au fil du temps et d’autre part pour déduire les montants finalement payés. Cette inscription la convertit en charge de fonctionnement et réduit d’autant le résultat de l’exercice : la situation ainsi affichée traduit mieux la situation comptable réelle du service.
Lorsque le risque se réalise (constat d’irrécouvrabilité), la provision est reprise comptablement pour l’annuler et la collectivité lui substitue la charge réelle et effective (dépense réelle) par admission en non-valeur (cf. ci-dessous). Lorsqu’elle n’est plus susceptible de se réaliser (ex : obtention d’un paiement tardif par l’abonné), elle est simplement reprise (c.7817 / Reprise sur dépréciation actifs circulants).
Le montant des provisions, ainsi que leur évolution et leur emploi sont réexaminés chaque année et retracés sur l’état des provisions annexé au budget et au compte administratif.
Les admissions en non-valeur (ANV), décidées par l’assemblée délibérante, consistent à inscrire au budget (c.6541 / Créances admises en non-valeur) une charge à la hauteur du montant des créances dont l’irrécouvrabilité est constatée, soit parce que les diligences de recouvrement exercées par le comptable s’avèrent impossibles (ex : prescription, adresse invalide) ou vaines (ex : impécuniosité de l’abonné), soit parce qu’il estime que les perspectives de recouvrement ne sont pas suffisantes pour justifier de les poursuivre.
S’agissant de mesures d’ordre budgétaire et comptable, elles n’ont pas d’effet juridique sur la situation du bénéficiaire : il demeure débiteur et pourra donc se voir demander le paiement ultérieurement (ex : en cas de « retour à meilleure fortune »). Si cela advient, le service émettra un titre en produits exceptionnels (c.7714 / Recouvrement sur créances admises en non-valeur).
Deux cas particuliers parfois confondus avec les ANV doivent être mentionnés :
- les créances éteintes, par exemple dans le cadre d’une procédure de surendettement ou d’une mise en liquidation judiciaire du débiteur ou suite à l’achèvement du délai de prescription : l’imputation s’opère alors sur le compte c.6542 / Créances éteintes ;
- les remises gracieuses : décidées par l’assemblée délibérante à la demande du débiteur, elles mettent fin à son obligation de payer, pour tout ou partie du montant titré. Il s’agit de décisions au cas par cas, généralement au regard de la situation individuelle du débiteur (ex : précarité). D’un point de vue budgétaire et comptable, ces remises sont assimilées à des subventions versées par le service à l’usager (c.6743 / Subventions exceptionnelles de fonctionnement).
Dans ces 2 cas, la mesure comptable s’accompagne de l’extinction de l’obligation de paiement de l’abonné.
Sur le plan de la procédure, c’est le comptable qui demande à la collectivité l’admission en non-valeur des créances dont il n’a pu obtenir le recouvrement à l’amiable : débiteur introuvable, constat par huissier que le débiteur ne dispose d’aucun bien saisissable, etc.
Il n’est pas rare, lors de l’état des lieux préparatoire à un transfert de compétences, de mettre en évidence d’importants restes à recouvrer dans des services, car ils se sont accumulés au fil du temps sans jamais être traduits comptablement. En cumul, cela peut représenter des sommes importantes dont une part est souvent ancienne donc probablement définitivement irrécouvrable. Il convient de les traiter avant de clôturer les comptes communaux, ce qui peut conduire à inscrire des ANV importantes afin de mettre en phase la situation comptable et la traduction budgétaire. Il appartiendra à la commune (post transfert) d’exercer les droits dont elle dispose pour essayer d’obtenir quelques paiements, même tardifs, qui lui seront acquis (elle ne les reversera pas à la CC puisqu’ils auront été pris en compte lors de la clôture du budget).
Les provisions peuvent constituer « l’antichambre » de l’admission en non-valeur : constituées dès que le risque de non-paiement paraît probable, elles précèdent alors le constat de l’irrécouvrabilité. Si le service doit en arriver à valider des ANV, le fait d’avoir au préalable inscrit des provisions peut en amoindrir l’impact financier (ex : si les ANV soldent un lot de créances anciennes qui s’étalent sur plusieurs exercices).
Ce sujet se travaille en coopération étroite avec le comptable de la collectivité : étant chargé du recouvrement, il dispose de la vision la plus fine et actualisée de la situation (que le service a tout intérêt à suivre sur Hélios). Il détient pour cela le pouvoir d’enclencher des démarches plus ou moins radicales : amiables (lettre de relance, mise en demeure de payer… : art. L.1617-5 CGCT, 4° à 6°) voire forcées (ex : saisie administrative à tiers détenteur -SATD-, cf. art. L.262 du Livre des procédures fiscales). Lorsqu’il estime que malgré toutes ses diligences, le recouvrement paraît très compromis voire impossible (ex : entreprise liquidée, débiteur introuvable, décès…), c’est également lui qui propose à la collectivité d’inscrire des ANV.
L’établissement d’une convention entre la collectivité et le comptable permet de fluidifier ces procédures et d’en optimiser l’efficacité, en organisant diverses démarches : échange d’informations sur l’état des encaissements et les dossiers « sensibles », fiabilisation des données sur les abonnés (qualité et tenue à jour des fichiers : identification des abonnés, adresse complète, etc.), définition de seuils pour les différentes actions de recouvrement, délivrance par l’ordonnateur au comptable d’une autorisation générale et permanente de poursuite, etc.
En tout état de cause, dans un souci de bonne gestion, il convient de favoriser un travail régulier sur les impayés, pour éviter d’en constituer un stock dont l’apurement comptable comporterait de lourdes contraintes budgétaires.