Le Fil n°47

31 Jan 2023

173

Le chiffre

LE CHIFFRE

C’est le numéro de l’article de la loi 3DS qui créé un nouveau cas de délégation du conseil municipal au maire (art. L.2122-22 30° du CGCT) : la possibilité d’admettre des titres de recettes en non-valeur.
Par défaut, ce pouvoir appartient à l’assemblée délibérante, qui se prononce sur demande du comptable public, lorsqu’il rapporte les éléments permettant de démontrer que malgré toutes les diligences qu’il a effectuées, il ne peut pas obtenir le recouvrement des titres (cas courants : insolvabilité, décès, parti sans laisser d’adresse…). 

Désormais, elle pourra donc déléguer ce pouvoir à l’exécutif dans la limite du montant qu’elle fixera ; de son côté il lui rendra régulièrement compte de l’usage qu’il en fera, comme pour toute délégation. Un décret à paraître doit préciser les modalités d’application, notamment le montant plafond sur lequel cette délégation pourra porter.
Rappelons que l’admission en non-valeur n’est qu’un apurement comptable, qui ne fait pas obstacle à l’exercice des poursuites par le comptable.

L’arrêt

Quiconque a vécu un transfert des compétences eau ou assainissement sait que la question budgétaire est un sujet sensible lorsqu’il existe plusieurs modes de gestion sur le territoire communautaire. En effet, les services de l’Etat impos(ai)ent généralement la création de 1 budget annexe par mode de gestion (quand ce n’est 1 par contrat…), ce qui ne manque pas de soulever des débats puisque cela aboutit à limiter les potentiels de mutualisation et à compliquer, sinon faire obstacle à, l’harmonisation tarifaire.

La Cour administrative d’appel de Nantes a tranché sur ce sujet il y a 2 ans : elle a jugé que, hormis les règles générales relatives à la création d’un budget annexe au budget principal pour les SPIC, « aucune autre disposition ne prévoit d’autre dérogation au principe de l’unité budgétaire et n’autorise, notamment, la création de plusieurs budgets annexes pour le service unique de l’assainissement ».
Cet arrêt a donc mis un terme aux débats et argumentations plus ou moins fructueuses auprès des préfectures et services des DDFiP. 
Prenant acte de cet arrêt, l’Etat a donc inversé sa doctrine, par le biais… d’une annexe à une note de la DGCL aux préfets de mars 2022 (!), quand une telle évolution sur ce sujet aurait certainement justifié une communication plus large…
Cette note publiée, la nouvelle règle est désormais posée comme l’évidence, la fiche se concluant ainsi : pour les collectivités qui n’auraient pas appliqué cette règle dès l’exercice 2022 (donc en fusionnant leurs budgets annexes précédemment distincts), « une mesure de tolérance est acceptée afin d’intégrer ces modalités de gestion au 1er janvier 2023 ». Espérons que sur le terrain, la tolérance se poursuivra un peu plus longtemps, le regroupement des budgets n’étant pas une mince affaire.
Sur le plan budgétaire et comptable, cette évolution n’est évidemment pas sans conséquence : dans sa mise à jour de 2023, l’instruction comptable M4 intègre donc diverses précisions utiles (p.2-3).

De quels dispositifs d’accompagnement peuvent bénéficier les exploitants des services d’eau et d’assainissement pour faire face à l’augmentation de leurs factures d’électricité ?

Face à la très forte hausse des tarifs de l’électricité au cours des derniers mois, plusieurs dispositifs financiers ont été institués par la loi de finances pour 2023 : le maintien d’un plafonnement des tarifs réglementés (bouclier tarifaire), la poursuite et l’adaptation d’une dotations « toutes énergies » pour les collectivités (filet de sécurité) et la mise en place d’une remise sur les tarifs de l’électricité (amortisseur électricité).

Le bouclier tarifaire (art. 181 VII 2° et 3° de la loi de finances pour 2023)
Il ne s’applique qu’aux tarifs réglementés. Par conséquent, dans les secteurs de l’eau et de l’assainissement, cela ne concerne que les plus petites collectivités, établissements publics (donc les régies personnalisées) ou entreprises, dont l’effectif est inférieur à 10 agents et les recettes de fonctionnement ou le CA sont inférieurs à 2 M€/an. Pour eux, comme pour les particuliers, la hausse sera limitée à 15% en 2023 (contre 4% en 2022) sur tous leurs abonnements avec une puissance souscrite ≤36 kVa.
L’application du bouclier n’est pas exclusive du bénéfice des autres dispositifs ; toutefois, dès lors que ceux-ci sont destinés à compenser les fortes hausses de dépenses et de tatifs, les bénéficiaires du bouclier ne rempliront a priori pas les critères d’éligibilité.

Le filet de sécurité pour toutes les dépenses d’énergie (art. 113 de la loi de finances pour 2023)
Ce mécanisme constitue une évolution de celui mis en place en urgence en 2022. Il prend la forme d’une dotation que l’Etat versera aux personnes publiques éligibles. Les entreprises privées ne peuvent pas en bénéficier.
Le changement majeur est qu’il est désormais élargi aux dépenses d’énergie inscrites dans les budgets annexes : l’an passé, seuls les budgets principaux étaient pris en compte, ce qui excluait la quasi-totalité des services d’eau et d’assainissement (l’établissement d’un budget annexe n’étant facultatif que pour les services en régie des communes de moins de 500 hab. : art. L.2221-11 du CGCT).

Qui seront les bénéficiaires ?
Au niveau local, le filet est institué « …au profit des communes et de leurs groupements » : cela englobe donc les communes, les EPCI-FP, les syndicats intercommunaux mais pas les syndicats mixtes, qui par définition ne constituent pas des « groupements de communes ». Dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, cela n’est pas négligeable : fin 2022, d’après la base de données Banatic, il existait 671 SM compétents en eau potable et/ou en assainissement. Les régies personnalisées ne sont pas non plus éligibles.
Quels sont les critères d’éligibilité ?
La loi retient 2 critères :

  1. l’un lié à la situation économique de la collectivité : l’épargne brute du service devra avoir diminué de plus de 15% entre 2023 et 2022 ;
  2. l’autre lié au profil de la collectivité : seuls seront éligibles d’une part les communes dont le potentiel financier / habitant est inférieur à 2 fois la valeur moyenne de l’ensemble des communes du même groupe démographique et d’autre part les EPCI dont le potentiel fiscal / habitant est inférieur à 2 fois la valeur moyenne des EPCI de la même catégorie (CC, CA…).

Quel sera le montant ?
Le montant de la dotation sera calculé par application de la formule suivante :

hausse des dépenses d’énergie – 50% de la hausse des recettes réelles de fonctionnement / 2

 Le montant obtenu sera donc d’autant plus important que les dépenses d’énergie 2023 des services progresseront et que simultanément leurs recettes demeureront stables.
Comment en bénéficier ?
Comme tout le dispositif repose sur les données financières de 2023, il faudra attendre le vote des CA en 2024 pour déterminer l’éligibilité sur le critère 1. Toutefois, les collectivités qui, par anticipation, estiment être éligibles peuvent demander un acompte avant le 30/11/23 et même intégrer le montant de la dotation dans leur BP 2023. 
Un décret à paraître précisera les modalités d’application de ce dispositif.
Au vu de ces éléments, il apparaît que les principaux bénéficiaires seront les services qui cumuleront les caractéristiques suivantes en 2023 : baisse sensible de l’épargne brute + forte hausse des dépenses d’énergie + stabilité des recettes.
Or, lorsque la baisse de l’épargne brute a été importante en 2022, de nombreux services d’eau et d’assainissement ont agi en 2023 pour stabiliser / redresser leur situation, notamment par des hausses de tarifs. Ce faisant, et tout en prenant des mesures de bonne gestion, ils ont indirectement diminué leurs chances de bénéficier du filet de sécurité.

L’amortisseur électricité (art. 181 IX de la loi de finances pour 2023 et décret d’application n°2022-1774 du 31/12/2022)
Ce dispositif prend la forme d’une baisse de tarif, financée par l’Etat. Initialement destiné aux entreprises, il a finalement été élargi au secteur public, ce qui explique certainement son fonctionnement très différent de celui du filet de sécurité.
Qui seront les bénéficiaires ?
Le champ d’application défini dans le décret est large puisqu’il englobe des acteurs publics et privés. Plusieurs types d’exploitants de services d’eau et d’assainissement peuvent être éligibles :

  • les personnes morales de droit privé qui emploient moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 M€ ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 M€ ;
  • les personnes morales de droit public qui emploient moins de 250 personnes et dont les recettes annuelles n’excèdent pas 50 M€ ;
  • les collectivités territoriales et leurs groupements.

Les principaux opérateurs privés du secteur ne sont donc pas éligibles (trop grands), mais certaines de leurs filiales, des opérateurs indépendants de taille plus limitée ou encore des sociétés dédiées pourront l’être. Par ailleurs, et indépendamment de l’éligibilité (ou pas) à l’amortisseur, rappelons que dans les contrats publics sur le fondement desquels interviennent ces entreprises, quelle que soit leur taille, les formules de révision intègrent un indice « énergie » : leur rémunération évoluera donc de toute façon en fonction de la pondération de celui-ci.
Côté public, la plupart des services sont concernés : communes, EPCI-FP, syndicats intercommunaux ou mixtes, régies personnalisées. Le critère « taille » ne vaut que pour ces dernières mais en écartera certainement très peu.
Quels sont les critères d’éligibilité ?
L’élément-clé est ici le prix d’achat contractuel de l’électricité : l’Etat prend en charge la part de prix au-delà de 180 €/MWh (soit 0,18 €/kWh), pour un montant maximum de 320 €. Lorsque le prix est inférieur à 180 €/MWh, l’amortisseur n’opère pas et l’abonné n’est pas aidé ; lorsqu’il dépasse 500 €/MWh, l’effet de l’amortisseur n’évolue plus et le montant de l’aide plafonne à 320 €/MWh. 
Ce mécanisme est illustré ci-dessous.

Exemple 1 : prix d’achat contractuel de 420 €/MWh. La part de prix au-delà de 180 € représente 240 € ; elle demeure en-deçà du plafond d’intervention (320 €/MWh) donc l’Etat la prend en charge en totalité. 
Exemple 2 : prix d’achat contractuel de 600 €/MWh. La part de prix au-delà de 180 € représente 420 €. L’Etat la prend en charge dans la limite du plafond d’intervention de 320 €/MWh ; les 100 € au-delà sont supportés par l’abonné.

La « subtilité » est que cette prise en charge de l’Etat s’applique à 50% de la consommation électrique… Sur la moitié de sa consommation, l’abonné paye donc le prix d’achat contractuel, sur l’autre moitié, une part plus ou moins importante est prise en charge par l’Etat. Comme l’aide de l’Etat est plafonnée à 320 €/MWh, à partir d’un prix d’achat de 500 €/MWh le montant financé par l’Etat plafonne, comme illustré ci-dessous.

Comment en bénéficier ?
Les bénéficiaires dont le prix d’achat contractuel est supérieur à 180 €/MWh doivent se déclarer à leur fournisseur d’électricité avant le 31 mars prochain si leur contrat a démarré avant le 28 février (l’aide sera alors rétroactive au 1er janvier) ou 1 mois après sa prise d’effet si elle est postérieure à cette date. Ils doivent pour cela utiliser le modèle officiel d’attestation sur l’honneur
La part payée par l’Etat sera alors versée directement au fournisseur, qui appliquera un tarif réduit aux bénéficiaires. 
Contrairement au filet de sécurité, ce dispositif opère donc en temps réel et est directement lié au prix d’achat de l’électricité. Même si face aux tarifs les plus aberrants il peut paraître modeste (économie maximale : 0,16 €/kWh), il écrêtera de nombreuses factures. Il est en outre d’accès beaucoup moins restrictif pour le secteur public puisque la plupart des services d’eau et d’assainissement en régie pourront ainsi en bénéficier (sous réserve de se déclarer dans les délais). En revanche, la plupart des concessionnaires n’y auront pas accès.
Le ministère de la transition énergétique propose une FAQ pour des compléments d’information, ainsi qu’une utile liste des contacts pour la transmission du ce document aux divers fournisseurs d’électricité (diffusion par l’AMF).

Enfin, précisons que le filet de sécurité et l’amortisseur peuvent se cumuler, dès lors que leurs critères d’éligibilité respectifs sont satisfaits.

Quelles sont principales modifications apportées par la transposition de la directive « eau potable » ?

La France avait jusqu’au 12 janvier pour transposer dans notre droit la directive dite « eau potable » du 16 décembre 2020. C’est par des parutions de textes en rafale pendant les fêtes qu’elle a respecté ses obligations :

Au sein de ce vaste dispositif, les sujets importants sont évidemment nombreux. Au-delà des adaptations de procédures et exigences sanitaires, on peut s’arrêter sur 2 d’entre eux, qui vont impacter les services d’eau à court terme pour respecter les nouvelles échéances puis dans la durée dans leur organisation et leur fonctionnement.
L’amélioration des conditions d’accès à l’eau tout d’abord, qui fait l’objet de nouvelles dispositions croisées du CSP (art. L.1321-1 A et s.) et du CGCT (art. L.2224-7-2 et s.) et d’un décret dédié.
La première démarche ici repose sur un « diagnostic territorial », que les communes et EPCI compétents doivent réaliser avant le 1er janvier 2025 (ou 2027 pour les CC qui deviendront compétentes en 2026) puis actualiser au moins tous les 6 ans. Ce travail porte sur l’intégralité de la population du territoire afin d’identifier les personnes ayant un accès inexistant ou insuffisant à l’eau : sans-abris, gens du voyage, squats, maisons isolées et non-raccordées au réseau public… Il s’agira notamment de les dénombrer, de les localiser et de déterminer dans quelles conditions elles ont aujourd’hui accès (ou pas) à l’eau potable.
Le décret situe la quantité « suffisante » entre 50 et 100 litres / personne / jour, disponibles au domicile ou dans le lieu de vie ou, à défaut, en un point d’accès le plus proche possible. C’est donc la disponibilité de ce volume qu’il faudra in fine garantir à tous.
Sur la base du diagnostic, les collectivités devront déployer sous 3 ans (donc pour 2028 ou 2030) des solutions adaptées, pérennes ou provisoires, en fonction de la nature des insuffisances constatées : raccordement, fontaines publiques, bornes fontaines, politique sociale, tarification, accompagnement, etc.
Les règles étant posées, les interrogations ne manquent pas dans les services : le financement bien sûr (certes, pour certaines de ces mesures ces nouvelles dispositions lèvent l’interdiction de recours au budget principal posée par l’art. L.2224-2, mais cela ne créé pas de nouvelles ressources…), mais aussi la qualité de l’eau, la responsabilité, la compétence, le calendrier, etc. A la lecture des dispositions du décret, on peut penser que des questions se poseront dès la réalisation du diagnostic, tant son spectre est large et dépasse les domaines habituels d’intervention des services d’eau : utilisation des données d’observation du territoire, mobilisation de l’expertise des acteurs locaux, éventuellement réalisation d’enquêtes de terrain, établissement de l’état des lieux des usages et des pratiques, etc. 

Le PGSSE, le plan de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau, continue un autre grand sujet au sein de ce nouvel ensemble de règles. Jusqu’à présent volontaire, il est désormais obligatoire : tous les services doivent donc élaborer et mettre en œuvre un tel plan sur toute partie de la chaîne de production et de distribution de l’eau dont ils sont responsables, de la zone de captage jusqu’en amont des installations privées de distribution. Si plusieurs acteurs sont concernés (ex : production et distribution dissociées), chacun engage la démarche pour la partie qui le concerne et tous coopèrent (échange d’informations…). 
L’obligation est large : seules sont exonérées les personnes responsables de la production ou de la distribution d’eau fournissant moins de 10 m3/j en moyenne ou approvisionnant moins de 50 personnes.
L’objectif général du plan est de prévenir et maîtriser les risques sur l’ensemble du processus, du prélèvement dans le milieu jusqu’à l’usager. Les enjeux quantitatifs sont également pris en compte s’ils constituent une source de danger pouvant engendrer un risque sanitaire.
Selon la méthodologie décrite dans l’arrêté du 3 janvier et ses annexes, la démarche se décompose en 3 phases : 

  • évaluation des risques de toutes natures susceptibles de détériorer la qualité sanitaire de l’eau ;
  • identification des acteurs du territoire dont l’activité est susceptible d’avoir un impact sur la qualité de l’eau et définition concertée de mesures de gestion / réduction ;
  • surveillance appropriée de la qualité de l’eau en lien avec l’évaluation des risques et suivi de l’efficacité des mesures de gestion des risques.

Les plans liés à la zone de captage doivent être élaborés et adoptés avant le 12 juillet 2027 ; ceux liés à la production et à la distribution avant le 12 janvier 2029 (pas de calendrier décalé pour les CC devenues compétentes en 2026). Au-delà, tous seront mis à jour aussi souvent que nécessaire (ex : modification de la production, évolution des risques) et a minima tous les 6 ans.
Parallèlement, la mise en œuvre du plan fait l’objet d’évaluations régulières, ce qui est susceptible de nourrir les futures mises à jour (ex : évolution des mesures de gestion et réduction des risques).
Le PGSSE est donc une démarche méthodique et de longue haleine, reposant sur l’anticipation et la proactivité. Ainsi, l’identification préalable des risques à toutes les étapes du processus de production / distribution permet une gestion « en amont » : surveillance ciblée et éventuellement renforcée, définition de procédures pour faire face aux imprévus (casse, dysfonctionnement, pollution…), etc. Il touche donc au cœur de l’organisation et du fonctionnement du service d’eau : adaptation des méthodes, évolution des compétences, production et gestion de données, traçabilité des interventions, etc. Dans sa réalisation comme dans son exécution, cela demandera évidemment des moyens : du temps, des gens, de l’argent, des travaux, etc. 
Un autre vaste chantier à engager sans tarder…

Nota : il existe de très nombreuses ressources en ligne, comme par exemple celles diffusées par l’ASTEE (un Guide pratique « Initier, mettre en place, faire vivre un PGSSE » et un tableau très complet de recensement des risques) ou par  l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes (liens vers de nombreux documents complémentaires comme par exemple des cahiers des charges pour l’élaboration d’un PGSSE (ici et ))