Le Fil n°46

4 Nov 2022

7.5%

Le chiffre

C’est, en %, la proportion maximale de dépenses imprévues qui peuvent être budgétées par une collectivité (art. L.2322-1 CGCT).
Le plafond se calcule, en fonctionnement comme en investissement, par rapport au montant total des dépenses réelles prévisionnelles de la section. En investissement, le financement de cette ligne ne peut être assuré par l’emprunt.
Ce dispositif est destiné à faire face à des dépenses pour lesquelles aucune dotation n’est prévue et non pour alimenter un compte d’imputation insuffisamment doté. En pratique, l’ordonnateur prend une décision portant virement de crédit du compte correspondant de la section concernée (022 en fonctionnement ou 020 en investissement) au compte d’imputation de la nouvelle dépense engagée. Conformément aux dispositions de l’art. L.2322-2 du CGCT, à la première séance de l’assemblée délibérante qui suit, il rend compte de cette décision, pièces justificatives à l’appui.
Cette règle s’applique indifféremment au budget principal ou aux budgets annexes, tels que ceux de l’eau ou de l’assainissement par exemple.

L’arrêt

A l’heure où de nombreuses Communautés de communes se (re)penchent sur la question du transfert des compétences eau et assainissement, une question récurrente qui se pose à elles concerne leur capacité juridique à engager des démarches avant de détenir ces compétences. Cela concerne notamment la passation de contrats liés à l’exercice futur de la compétence.

Saisi sur ce sujet, le Conseil d’Etat a posé en 2020 le principe suivant : « lorsqu’une personne publique a vocation à exercer la compétence nécessaire à la conclusion et à l’exécution d’un contrat de la commande publique, notamment parce qu’elle est en cours de création ou de transformation (…) aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce qu’elle engage elle-même la procédure de passation du contrat, alors même qu’elle n’est pas encore compétente à cette date pour le conclure. Il en va notamment ainsi lorsque le contrat en cause a pour objet la gestion d’un service public. »
Le CE exige seulement de la personne publique qu’elle fasse savoir, dès le lancement de la procédure, que le contrat ne sera signé qu’après qu’elle sera devenue compétente.
Cet arrêt fait écho à d’autres décisions relatives à la validité d’actes pris par des personnes publiques avant de détenir une compétence. Le Conseil d’Etat a validé dès 1975 la possibilité de prendre des actes administratifs par anticipation, qui ne produiront d’effets que postérieurement à un événement.
En matière d’intercommunalité, cela l’a par exemple conduit à reconnaître la possibilité pour une commune de désigner par anticipation ses futurs délégués au sein du conseil communautaire, le cas échéant avant même que l’EPCI au sein duquel ils sont appelés à siéger n’ait une existence légale, dès lors toutefois qu’un arrêté préfectoral a préalablement fixé le nombre et la répartition des sièges au sein dudit conseil. 
Dans le même esprit, la CAA de Bordeaux a entériné une délibération prise par anticipation afin d’autoriser le président de l’EPCI à signer un marché concernant des équipements, avant même la signature de la convention actant leur transfert : elle s’est appuyée sur le fait que le transfert de la compétence avait été préalablement validé.
Décision à la portée peut-être plus incertaine puisqu’émanant d’un Tribunal administratif, un jugement a également validé des « mesures d’organisation » prises par anticipation par une CC : installation du conseil communautaire, désignation des membres du bureau, élection du président et des vice-présidents après fixation de leur nombre.
Dans tous les cas, la condition de validité d’actes pris par anticipation est bien évidemment qu’ils ne produisent d’effet que postérieurement à l’événement « référence ».

Un délégataire de service d’eau ou d’assainissement a-t-il droit à une modification de contrat face à la forte hausse de l’inflation ?

Non. Il n’y a aucune automaticité en la matière.
Si depuis quelques mois la flambée de certains postes de charges majeurs dans ces services est indiscutable (énergie, réactifs, certaines fournitures…), cela ne constitue pas par principe un fondement suffisant pour justifier une modification du contrat. Il convient de prendre en compte le droit en vigueur ainsi que la situation propre de chaque contrat.
Le Conseil d’Etat a rendu le 15 septembre un avis important sur les modifications de prix ou de tarifs des contrats de la commande publique dans ces circonstances et sur les conditions d’application de la théorie de l’imprévisions. Le Ministère des finances en a tiré le 21 septembre une « fiche technique » plus opérationnelle.
Il convient de distinguer l’aspect strictement contractuel et la théorie de l’imprévision.
Pour ce qui concerne les possibilités de modification des contrats, le CE considère :

  • que, face aux perturbations économiques, rien ne s’oppose par principe à ce que les parties recourent aux dispositions du Code de la commande publique relatives aux modifications non substantielles (art. R.3135-7), de faible montant (R.3135-8 et 9) ou pour circonstances imprévues (R.3135-5) ;
  • que pour ce qui concerne spécifiquement ce dernier cas, le plus lié au contexte actuel, rien n’empêche que les modifications portent uniquement sur les prix ou les tarifs prévus au contrat ainsi que sur les modalités de leur détermination ou de leur évolution, afin de compenser les surcoûts que le titulaire ou le concessionnaire subit du fait de circonstances imprévisibles. Cela n’est toutefois possible que si l’augmentation des dépenses supportées par l’opérateur économique ou la diminution de ses recettes imputables à ces circonstances nouvelles ont dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées lors de la passation du contrat. En outre, le montant de ces modifications ne peut dépasser ce qui est nécessaire pour répondre auxdites circonstances imprévisibles, dans la limite de 50 % du montant du contrat initial ;
  • que le cas échéant, des prolongations de contrats sont possibles si elles peuvent être regardées comme rendues nécessaires par des circonstances imprévisibles ;
  • qu’en tout état de cause, la collectivité n’est en aucun cas contrainte de prendre l’initiative ou d’accepter de telles modifications.

S’agissant par ailleurs de l’imprévision, l’art. L.6 du Code de la commande publique pose le principe de l’indemnisation du cocontractant « lorsque survient un événement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat. » A la lumière de sa jurisprudence centenaire en la matière, le CE rappelle :

  • que cette indemnisation a pour objet de permettre d’assurer la continuité du service, ce qui implique que seul le cocontractant qui continue à remplir ses obligations et subit, de ce fait, un déficit d’exploitation, a droit à une indemnité ;
  • que cette indemnité est par principe ponctuelle et provisoire : si les évènements ayant justifié son octroi perdurent, le bouleversement de l’équilibre économique devient permanent, ce qui fait obstacle à la poursuite de son exécution. L’imprévision constitue alors un cas de force majeure justifiant la résiliation du contrat ;
  • que si les conditions ci-dessus sont remplies, les parties ne modifient pas le contrat initial mais concluent une convention dont l’objet exclusif est cette indemnisation.

Au vu de ces divers éléments, on constate que leur traduction dans le cas des contrats de DSP d’eau ou d’assainissement sera certainement très limitée : 

  • ces contrats, qui font partie de la famille des concessions, se définissent par le transfert au concessionnaire d’un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service. A ce sujet, l’art. L.1121-1 du CCP précise que ce risque « implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement théorique ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les coûts, liés à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, qu’il a supportés ». Le risque est donc consubstantiel de ces contrats, ce qui relativise la portée des circonstances imprévues (…et complexifie leur prise en compte) ;
  • ces dispositions amènent le CE à conclure que pour apprécier si la situation est de nature à ouvrir droit à une indemnité d’imprévision au profit d’un concessionnaire, il faut prendre en considération la part non-négligeable de risque de pertes qu’il accepte nécessairement de courir en contractant et que l’interprétation raisonnable du contrat de concession conduit, en tout état de cause, à laisser à sa charge ;
  • la durée de ces contrats (8 à 9 ans en moyenne selon les données de l’Observatoire loi Sapin) tend à « diluer » les conséquences économiques subies par le délégataire lors d’une crise ;
  • ces contrats intègrent des formules de révision de la rémunération du délégataire, par référence à des indices officiels : l’évolution des coûts des principaux postes de charges (électricité, fournitures, salaires…) est donc déjà prise en compte, ce qui réduit considérablement l’opportunité d’une modification contractuelle ;
  • les grands groupes délégataires ont souvent été prémunis, au moins temporairement, de trop fortes hausses des charges grâce à des contrats de fournitures à prix fixes que leurs centrales d’achat avaient négociés sur du moyen / long terme ;
  • l’imprévision s’apprécie au regard de l’équilibre économique global du contrat : avant d’envisager une éventuelle indemnisation des surcoûts supportés par le délégataire, il faut établir un bilan général des « plus » et des « moins ».

La combinaison de ces particularités des contrats de DSP d’eau et d’assainissement limite fortement le périmètre des éventuelles modifications ou indemnisations du délégataire.
Lorsque des demandes sont formulées auprès des collectivités délégantes, il semble qu’elles portent surtout sur une anticipation de la révision tarifaire (ex : passage à un rythme semestriel plutôt qu’annuel). L’idée d’un tel changement de calendrier peut s’entendre dans le contexte actuel, mais sa pérennisation conduit à réduire le risque économique supporté par le délégataire : dans une éventuelle négociation, il faut probablement l’envisager de façon temporaire et en réévaluer la pertinence dans 18 ou 24 mois.

Nota : le 29 septembre, la Première Ministre a publié une circulaire sur le sujet (« Circulaire Borne »), qui abroge la précédente du 30 mars (« Circulaire Castex »). Rédigée à la lumière de l’avis du Conseil d’Etat, elle s’avère moins détaillée que la fiche pratique du Ministère et très fortement orientée « marchés publics ». Son contenu est donc peu transposable au cas des DSP évoqué ici.

Quelles règles s’appliquent lors de la résiliation d’un abonnement au service d’eau potable ?

Il n’existe pas de procédure générale applicable à cette situation mais en recoupant diverses sources juridiques, il est possible de tracer les contours des droits et obligations respectifs de l’abonné et du service.
Ainsi, l’art. L.2224-12 du CGCT prévoit que les abonnés « peuvent présenter à tout moment une demande de résiliation de leur contrat d’abonnement ». Il en découle que les abonnements constituent des contrats à durée indéterminée. Les services qui imposent qu’ils soient souscrits par années ou semestres complets (et les facturent sur cette base) sont donc dans l’illégalité.
Ce principe est en phase avec le droit de la consommation, auquel sont soumis les services d’eau potable, qui accorde une grande liberté au consommateur pour résilier des contrats.
Si le service ne peut donc s’opposer à la demande de résiliation, le CGCT précise qu’elle intervient « dans les conditions fixées par le règlement de service ». C’est donc l’exploitant qui définit les modalités de la résiliation : formalisme, éventuelles exigences techniques (ex : RDV sur place pour la fermeture, voire le démontage du compteur), éventuelle tarification, etc. La seule contrainte posée sur ce point par le CGCT est que résiliation ait lieu « dans un délai qui ne peut excéder quinze jours à compter de la date de présentation de la demande. »
La résiliation entraîne l’édition d’une facture de clôture : solde des consommations et de l’abonnement, ce qui peut donner lieu à paiement de l’abonné ou à remboursement par le service, et, le cas échéant, facturation de frais de résiliation et/ou de déplacement (ex : pour fermeture du branchement).
A cet égard, il faut toutefois noter que l’art. R.212-1 du Code de la consommation établit qu’est par principe abusive une clause qui subordonne, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le consommateur au versement d’une indemnité. Une telle disposition est donc interdite.
Dans ces conditions, la facturation de frais de résiliation d’un contrat d’eau n’est valable que si elle correspond réellement à l’exécution d’une prestation par le service (intervention technique, déplacement…), et son montant ne doit pas être déconnecté de son coût réel.
Bien évidemment, le service ne peut valablement facturer des frais que s’ils ont été adoptés par délibération. En outre, le Code de la consommation (art. L.111-1) impose l’information préalable du consommateur sur l’ensemble des conditions tarifaires. Dans un service d’eau, le règlement de service est généralement le support de cette information, souvent complété par des fiches tarifaires mises à disposition (site web, espace abonné, etc.). Rappelons sur ce point qu’en application de l’art. L.2224-12 du CGCT, le règlement est, comme ses mises à jour, remis par l’exploitant à chaque abonné ou lui est adressé par courrier postal ou électronique.