Le Fil n°45

5 Sep 2022

775

Le chiffre

C’est, en euros, le montant maximum de l’amende à laquelle s’expose toute personne qui « procède, sans motif légitime, à l’ouverture d’un point d’eau incendie [PEI] ayant pour effet d’entraîner un écoulement d’eau » (art. R.644-6 du Code pénal).
Ce texte offre un fondement juridique plus approprié que les incriminations pénales existantes, difficilement applicables à ces pratiques (dégradation de bien d’autrui : art. 322-1 et 322-3 8°, vol d’eau : art. 311-1…) et reposant sur un dépôt de plainte, d’autant qu’il s’applique même en l’absence de dégradation du PEI. Le paiement d’une amende forfaitaire de 135 € dans les 45 jours entraîne le classement sans suite du dossier (art. R.48-1 CPP).
Nota : il existe une incertitude sur la compétence des gardes-champêtres et agents de police municipale pour verbaliser ces infractions, le ministère de l’intérieur semblant toutefois la valider sur le fondement de l’art. L.511-1 du Code de la sécurité intérieure, dans le silence de l’art. R.15-33-29-3 du code de procédure pénale. Une question sénatoriale est en attente de réponse officielle sur ce sujet.

L’arrêt

Le recours à des conventions entre communautés et communes membres étant couramment envisagé pour la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement, il n’est pas inutile de revenir sur une jurisprudence certes relativement ancienne mais qui rappelle la portée de ces contrats.
Dans cette affaire, une communauté urbaine, à laquelle avait été transférée la compétence en matière de voirie et de signalisation, avait passé une convention de gestion avec une commune pour lui confier « les opérations nécessaires aux études, travaux et fonctionnement de la signalisation lumineuse ».

Suite à un accident dû à un dysfonctionnement des feux de circulation, elle a contesté sa condamnation à indemniser la victime, arguant que la convention de gestion avait eu pour effet de transférer à la commune la signalisation des voies.
Le juge a écarté cet argument et a qualifié ce contrat de prestation de service : il a en effet relevé qu’il ne procédait à aucun transfert et que la CU continuait à supporter les charges associées. Dès lors, il a confirmé sa responsabilité.
De telles conventions ne sauraient donc constituer un outil de contournement d’un transfert de compétence ni une « protection » de l’EPCI en cas de contentieux, contrairement à ce que l’on entend parfois. 
Certes, aujourd’hui, il est surtout question de conventions de délégation, mais le principe demeure : cette relation n’exonère pas le délégant de sa responsabilité et, hormis les cas dans lesquels il pourra être démontré que la cause unique d’un dommage est une défaillance du délégataire, la responsabilité sera partagée, voire, comme dans cette affaire, exclusivement fléchée vers le délégant.
Il convient donc de faire preuve de précision dans la rédaction de ces conventions et notamment d’inclure des dispositions précises de contrôle par l’EPCI, ainsi que le prévoit l’art. L.5214-16 du CGCT, afin qu’il puisse maîtriser au mieux son risque en cas de contentieux.

A quel régime seront désormais soumis les syndicats infra-communautaires lors du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes ?

Depuis une vingtaine d’années, lors d’un transfert de compétence à une communauté de communes, la situation des syndicats infra-communautaires était simple : l’art. L.5214-21 I al.2 du CGCT dispose en effet que « la communauté de communes est substituée de plein droit, pour les compétences qu’elle exerce ou vient à exercer, au syndicat de communes ou au syndicat mixte inclus en totalité dans son périmètre. »
Dès lors, 2 cas de figure pouvaient se présenter :

  • soit le syndicat détient des compétences autres que celles désormais détenues par la CC : il voit alors son champ d’action réduit à celles-ci ;
  • soit le syndicat ne détient que les compétences désormais détenues par la CC : étant privé de son objet par l’effet du transfert, il est alors dissous de plein droit, en quelque sorte « absorbé » par celle-ci.

Fin 2019, la loi « Engagement et proximité » (art. 14 IV) a créé une dérogation en la matière, propre aux domaines de l’eau et de l’assainissement : lors des transferts de ces compétences, de tels syndicats pouvaient demander aux communautés à bénéficier d’une délégation de compétence, ce qui avait pour effet, en cas d’accord de celles-ci, de leur éviter la dissolution.
La loi 3DS du 21/02/2022 (art. 30 II) a franchi un pas supplémentaire en créant un régime juridique inédit : les syndicats infra-communautaires compétents en eau ou assainissement seront désormais « maintenus par la voie de la délégation, sauf si la communauté de communes délibère contre ce maintien. » Par conséquent, en l’absence d’acte volontaire des CC, ces syndicats subsisteront postérieurement au transfert à celles-ci. 
Il s’agit là d’un renversement complet de logique : alors que la loi de 2019 les plaçait en sursis et que les communautés pouvaient décider de leur survie, ils seront désormais maintenus par principe et ne seront dissous que si celles-ci le décident explicitement, afin d’exercer directement leurs compétences. Symboliquement, cela constitue un changement majeur par rapport à la règle établie en 2019, et encore plus par rapport au droit commun (qui est maintenu pour toutes les autres compétences) : selon les équilibres politiques locaux, le vote d’une telle délibération communautaire pourra s’avérer particulièrement délicat.
Il faut toutefois relever que, même si leur existence juridique ne sera pas remise en cause, les syndicats infra-communautaires deviendront les délégataires des CC, intervenant désormais « au nom et pour le compte » de celles-ci. Ils agiront dans le cadre d’une convention de délégation, qui, conformément aux dispositions de l’art. L.5214-16 du CGCT, « définit les objectifs à atteindre en matière de qualité du service rendu et de pérennité des infrastructures ainsi que les modalités de contrôle de la communauté de communes délégante (…) précise les moyens humains et financiers consacrés à l’exercice de la compétence déléguée. »
Cette convention n’est donc en aucun cas une « parade » contre le transfert à la CC : celle-ci demeurera bien la seule détentrice de la compétence sur la totalité de son périmètre, y compris dans le secteur sous gestion syndicale, conservera le pilotage du service, définira le programme d’investissement, fixera les tarifs en conséquence, etc. A cet égard, la DGCL et la DGFiP ont détaillé les modalités budgétaires et comptables de cette organisation dans une fiche technique d’octobre 2021. En réponse à plusieurs sénateurs (réponses n°19674, 19809, 18974 et 27416 du même jour), le Ministre a également rappelé les principes généraux de ce régime. Bien que les syndicats constituent des délégataires atypiques, la relation qui s’établira entre eux et les CC sera donc proche de celle qui existe classiquement entre 1 collectivité et son délégataire : existence d’un contrat, définition des missions et des conditions de leur exécution, fixation des conditions économiques, contrôle, etc.
Nota : cette relation entre CC et syndicats est parfois qualifiée de « subdélégation » mais cela est erroné : en effet, la CC bénéficie d’un transfert de compétence plein et entier par les communes, et non d’une délégation. Dès lors, il ne peut y avoir de « subdélégation » au profit de celles-ci.

Pendant combien de temps peut-on facturer la PFAC ?

En application de l’art. L.1331-7 du Code de la santé publique, la PFAC peut être instituée par la collectivité compétente en assainissement et appliquée aux propriétaires soumis à l’obligation de raccordement établie par l’art. L.1331-1 ; elle est exigible à compter de la date du raccordement au réseau public.
En pratique, il est parfois difficile pour la collectivité de connaître cette date ou alors seulement tardivement, par exemple lorsque le raccordement est opéré par le délégataire, voire lorsqu’il est exécuté clandestinement par le propriétaire lui-même, sans aucun formalisme. 
Dans ces conditions, la question du délai dans lequel le titre de recette doit être émis (délai de prescription) se pose avec une acuité particulière.
L’art. L.1331-9 précise, s’agissant des diverses sommes dues en matière d’assainissement, qu’elles « sont recouvrées comme en matière de contributions directes.« 
Dès lors, c’est le régime de prescription de droit commun établi par l’art. 2224 du Code civil qui s’applique : « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.« 
A cet égard, le Conseil d’Etat a précisé :

  • d’une part que cet article, bien qu’émanant du Code civil, s’applique aux créances détenues par les personnes publiques ;
  • d’autre part que, en application de l’art. 2223 du Code civil, ces dispositions doivent être écartées lorsqu’il existe des délais de prescription spécifiques établis par d’autres lois.

S’agissant de la PFAC, cela aboutit à la situation suivante :

  • pour émettre le titre, la collectivité dispose de 5 ans : c’est en effet le délai fixé à l’art. 2224 qui s’applique, aucun texte ne prévoyant de règle différente propre à la PFAC ;
  • pour assurer le recouvrement, le comptable dispose quant à lui de 4 ans à compter de la prise en charge du titre, délai fixé par l’art. L.1617-5 3° du CGCT.

L’enjeu particulier concernant la PFAC porte sur le point de départ du délai de 5 ans pendant lequel la collectivité peut émettre le titre de recette : comment déterminer « le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer« , référence fixée par l’art. 2224 du Code civil ?
Lorsque le branchement est établi par la collectivité ou son délégataire, la détermination de cette date ne soulève pas de difficulté majeure : il s’agit surtout d’établir une procédure de circulation de l’information pour que les services administratifs et financiers de la collectivité soient informés de la date de raccordement et puissent émettre le titre de recette dans le délai.
Pour les cas où le propriétaire raccorde lui-même son habitation au réseau, l’enjeu relève plutôt du contrôle exercé par la collectivité, par exemple relances systématiques des bénéficiaires de permis de construire qui, 18 ou 24 mois après la délivrance, n’ont toujours pas sollicité l’exploitant pour exécuter le branchement (ce qui peut sembler suspect après un tel délai), passages de caméra dans les tronçons de réseaux récents pour détecter des raccordements sauvages, etc. 
En tout état de cause, en cas de contentieux, le juge apprécie souverainement les éléments apportés par les 2 parties pour déterminer le moment auquel la collectivité est susceptible d’avoir eu connaissance du raccordement (fait générateur de la PFAC). Dans ce contexte, la collectivité sera certainement d’autant plus convaincante qu’elle pourra faire valoir les démarches engagées pour rechercher les redevables de la PFAC.
Les règles relatives à la suspension et à l’interruption du délai de prescription (la première l’arrêtant temporairement sans effacer le délai déjà écoulé, la seconde le faisant repartir à zéro) sont fixées aux art. 2228 à 2246 du Code civil.