Le Fil n°44

2 Juin 2022

400%

Le chiffre

C’est, en pourcentage, le nouveau taux maximum de majoration de la « somme au moins équivalente au montant de la redevance » qui, en application de la nouvelle rédaction de l’art. L.1331-8 du Code de la santé publique, peut être facturée aux propriétaires qui ne se conforment pas à leurs obligations en matière d’assainissement : raccordement de leur immeuble, maintien en bon état de fonctionnement de leur ANC, etc.

Ce nouveau taux (il était précédemment de 100%) a été introduit par la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique. 

La loi a également prévu que cette majoration ne peut être recouvrée que si le propriétaire est toujours en infraction 12 mois après la date d’envoi de la notification de la pénalité. Il n’y a donc plus d’application d’office dès le constat de la défaillance comme par le passé. Désormais, les services doivent établir une procédure spécifique : notification écrite, contrôle de l’exécution de travaux dans l’année et, le cas échéant, facturation de la majoration. L’incitation financière est certes forte pour les propriétaires, mais sa mise en œuvre se complexifie.

Nota : dans le cadre des travaux législatifs sur le projet de loi « 3DS » en juillet, les sénateurs avaient proposé de remplacer ce dispositif par une astreinte de 100 €/jour (avec plafonnement à 5 000 €), mais cette modification a par la suite été abandonnée.

Sources

Art. L.1331-8 du Code de la santé publique

L’arrêt

L’art. L.1331-7 du Code de la santé publique pose le principe général au sujet du raccordement des habitations au réseau d’assainissement : « Les propriétaires des immeubles soumis à l’obligation de raccordement au réseau public de collecte des eaux usées en application de l’article L. 1331-1 peuvent être astreints (…) pour tenir compte de l’économie par eux réalisée en évitant une installation d’évacuation ou d’épuration individuelle réglementaire (…) à verser une participation pour le financement de l’assainissement collectif. »

Cette participation, dite PFAC ou PAC, est instituée par délibération de la collectivité compétente sur les réseaux d’assainissement.

L’article précise qu’elle est notamment exigible à compter de la date du raccordement au réseau public de collecte des eaux usées de l’immeuble.

Sur cette base, dans quelle situation se trouvent les propriétaires raccordés à un réseau unitaire lorsque la collectivité réalise des travaux de mise en séparatif des réseaux, imposant de « reprendre » les branchements ?

La Cour administrative de Marseille a jugé qu’ils sont assujettis au paiement de la PFAC lorsqu’ils se raccordent au nouveau réseau collectant exclusivement les eaux usées. Elle a également précisé que le fait que le raccordement à l’ancien réseau ait pu donner lieu par le passé à des frais de branchement est sans effet sur l’obligation de payer la PFAC lors du raccordement au nouveau réseau.

En d’autres termes, la Cour considère qu’il ne s’agit pas de simples travaux sur le branchement mais bien d’un nouveau raccordement, ce qui rend les propriétaires redevables de la PFAC.

Sources

CAA Marseille 8/12/2020, Commune de Saint-Sauveur-Camprieu, n°20MA01270 

Art. L.1331-7 du CSP

L’élaboration de schémas directeurs d’eau potable et d’assainissement est-elle obligatoire ?

Oui.

Pour l’eau potable, cette obligation n’est certes pas explicite et c’est en combinant plusieurs textes que l’on aboutit à cette conclusion.

Ainsi, l’art. L.2224-7-1 al.1 du CGCT impose que les collectivités compétentes en matière de distribution d’eau potable « arrêtent un schéma de distribution d’eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution. »

Cette obligation ne doit pas être lue comme renvoyant seulement à la délimitation des zones de desserte.

En effet, la loi de lutte contre le dérèglement climatique du 22 août 2021 a introduit dans cet article (alinéa 2) la définition du schéma de distribution, qui correspond précisément à ce que l’usage a institué comme étant un « schéma directeur » : « Le schéma comprend un descriptif détaillé et un diagnostic des ouvrages et équipements nécessaires à la distribution d’eau potable et, le cas échéant, à sa production, à son transport et à son stockage. Il comprend également un programme d’actions chiffrées et hiérarchisées visant à améliorer l’état et le fonctionnement de ces ouvrages et équipements. Ce schéma tient compte de l’évolution de la population et des ressources en eau disponibles. Lorsque le taux de perte en eau du réseau s’avère supérieur à un taux fixé par décret selon les caractéristiques du service et de la ressource, ce schéma est complété, avant la fin du second exercice suivant l’exercice pour lequel le dépassement a été constaté, par un plan d’actions comprenant, s’il y a lieu, un projet de programme pluriannuel de travaux d’amélioration du réseau. »

Le schéma de distribution est donc bien plus qu’une cartographie des zones de desserte comme la version antérieure du texte, qui se limitait au 1er alinéa, pouvait le laisser penser.

Par conséquent, même si le terme de « schéma directeur d’eau potable » n’est pas utilisé dans les textes, « schéma d’alimentation d’eau potable » et « schéma directeur » ne font qu’un.

On peut d’ailleurs relever que dans une réponse récente à 2 questions parlementaires, la ministre de la transition écologique a indiqué que ce complément à l’art. L.2224-7-1 « vient de renforcer les obligations dans ce domaine en prévoyant que toutes les collectivités compétentes réalisent un schéma directeur d’eau potable », confirmant ainsi la synonymie entre les 2 expressions.

Outre le contenu du schéma, la loi de 2021 a fixé un calendrier : le schéma est établi au plus tard le 31 décembre 2024 ou dans les deux années suivant la prise de compétence à titre obligatoire par la communauté de communes, si cette prise de compétence intervient après le 1er janvier 2023.

Par la suite, et conformément aux dispositions de l’art. D.2224-5-1 du CGCT « le descriptif détaillé est mis à jour et complété chaque année en mentionnant les travaux réalisés sur les réseaux ainsi que les données acquises pendant l’année, notamment en application de l’article R. 554-34 du code de l’environnement [relevés topographiques] ».

Pour l’assainissement, les choses sont plus claires.

Ainsi, l’art. 12 de l’arrêté « référence » du 21 juillet 2015 a été complété de la façon suivante par celui du 31 juillet 2020 :

  • obligation d’établissement d’un « diagnostic périodique du système d’assainissement », dont le contenu est détaillé : connaissance des points de rejet, des modalités de déversement et des anomalies du système d’assainissement, estimation des eaux claires parasites et de leur provenance, etc. ;
  • nouveau diagnostic à établir à une fréquence n’excédant pas 10 ans ;
  • établissement et mise en œuvre d’un programme d’actions chiffré et hiérarchisé.
  • fixation des échéances pour le respect de ces obligations selon la capacité du système d’assainissement : 31/12/2023 pour ceux compris entre 2 000 et 10 000 eh et 31/12/2025 pour ceux de moins de 2 000 eh. Pour les plus de 10 000 eh, la date initiale était le 31/12/2021 ; la prochaine échéance est donc désormais le 31/12/2031 pour la seconde génération de diagnostics. 

Enfin, l’arrêté précise explicitement que « ce diagnostic, ce programme d’actions et les zonages (…) constituent le schéma directeur d’assainissement du système d’assainissement ». Par ailleurs, ce diagnostic périodique est complété par un diagnostic permanent avec des échéances similaires : 31/12/2021 pour les systèmes de plus de 10 000 eh et 31/12/2024 pour ceux compris entre 2 000 et 10 000 eh.

Sources

Art. L.2224-7-1 du CGCT

Art. D.2224-5-1 du CGCT

Réponses de la ministre de la transition écologique du 1er mars 2022 à la députée Parmentier-Lecocq (n°41127 ) et au député Lambert (n°31094 )

Des communauté peuvent-elles soutenir financièrement leurs services d’eau et d’assainissement ?

Le principe général en la matière est clair : « il est interdit [aux collectivités] de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre des services publics industriels et commerciaux » (art. L.2224-2 CGCT). 

Cependant, cette interdiction générale s’accompagne de plusieurs exceptions prévues au même article.

Certaines sont applicables à tous les SPIC : 

  • « lorsque les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement » : dans le domaine de l’eau, cela peut par exemple concerner la prise en charge des coûts induits par la mise en place d’une tarification sociale à la demande de la collectivités organisatrice du service, ainsi que le prévoit l’art. L.2224-12-1-1 du CGCT dans la limite de 2 % des montants HT des redevances ;
  • « lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d’investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d’usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs » : la référence au nombre d’usagers limite de facto cette dérogation aux petits services, dans lesquels le caractère excessif de la hausse de tarifs découle de la faiblesse de l’assiette de facturation.

D’autres dérogations sont propres aux services d’eau et d’assainissement :

  • dans les communes de moins de 3 000 hab. et les EPCI constitués uniquement de ce type de communes : cette dérogation permet d’abonder légalement le budget annexe du service à partir du budget général, y compris pour compenser un déficit de fonctionnement ;
  • dans toutes les communes et EPCI, sans condition de population, lors de la création de leurs SPANC et pour les 5 premiers exercices : cette faculté peut être utilisée au cours des 5 années qui suivent la prise de compétence ANC par un EPCI (tous les SPANC communaux ont plus de 5 ans).

En complément de ces situations, la loi 3DS du 21 février 2022 a introduit dans l’art. L.2224-2 du CGCT deux nouveaux cas dans lesquels une « passerelle » entre budget général M14 et budget annexe M49 est autorisée :

  • « lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d’investissements qui, en raison de leur importance, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs » : cette formulation est très proche de celle déjà présente dans le CGCT mais la restriction liée au faible nombre d’usagers n’est pas reprise. C’est donc à chaque EPCI d’apprécier au cas par cas si la hausse est « excessive » ;
  • « pendant la période d’harmonisation des tarifs suite à la prise de compétence » : cela permettra éventuellement d’adoucir l’impact de la mise en œuvre de l’harmonisation tarifaire, dont les modalités (rythme, durée…) sont déterminées par chaque EPCI. Il faut relever que même si la loi évoque pour la première fois cette harmonisation, elle ne crée toutefois aucune règle à ce sujet : ni obligation, ni échéance, etc.

Introduites dans un contexte d’assouplissement des conditions du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes en contrepartie du maintien de l’échéance de 2026, ces 2 nouvelles dérogations bénéficient exclusivement aux EPCI à fiscalité propre (y compris CA et métropoles), qu’ils soient déjà compétents ou pas et quelle que soit leur population. Les syndicats sont en revanche exclus.

Ces règles ouvrent des perspectives pour le financement des services d’eau dans le contexte intercommunal. 

En effet, l’abondement apporté par le budget général de l’EPCI-FP pourra par exemple provenir pour tout ou partie de contributions communales versées par le biais de fonds de concours. Ainsi, lorsque suite au transfert de compétences des investissements de « rattrapage » seront nécessaires dans une commune, ce mécanisme pourra être mobilisé pour éviter soit de faire trop fortement augmenter les tarifs pour les abonnés y résidant soit de recourir à la mutualisation à l’échelle de l’ensemble des abonnés de l’EPCI ce qui est généralement mal vécu. Dans ce cas, une contribution pourra être apportée par la commune à l’EPCI, qui la reversera ensuite au budget du service, soit ponctuellement soit pendant plusieurs d’affilée si les besoins sont importants. Ce dispositif, qui repose sur l’accord des communes (délibérations concordantes commune / EPCI), devrait permettre d’atténuer les crispations, parfois fortes, observées lors des transferts.

Le recours au mécanisme des attributions de compensation, parfois également évoqué comme moyen de mobiliser des ressources communales dans ce contexte, semble moins adapté (conditions strictes de mise en œuvre, dispositif extrêmement sensible politiquement, caractère pérenne par défaut).Dans la perspective de 2026, ces dispositions de la loi 3DS permettront d’aborder différemment les aspects financiers des transferts de compétences et, peut-être, de dépassionner les débats sur ce sujet.

Sources

Art. L.2224-2 du CGCT

Art. L.2224-12-1-1 du CGCT