Le Fil n°43

26 Fév 2022

80%

Le chiffre

C’est, en pourcentage, le montant plafond de la participation exigible du propriétaire d’un immeuble d’habitation qui se raccorde au réseau d’assainissement (PFAC), calculé au vu du coût de fourniture et de pose d’une installation d’évacuation ou d’épuration individuelle réglementaire. Sur la base de cette formulation légale générale, il appartient à chaque collectivité de retenir sa propre valeur « référence » avant de fixer le montant de la PFAC. Selon la jurisprudence, ce plafond doit être calculé en fonction des données de fait qui existent à la date de raccordement des immeubles au réseau (ex : superficie, consistance, nature des locaux) : il n’est pas possible de prendre en compte des critères tels que l’occupation potentielle (résidence principale ou secondaire) ou la situation financière des propriétaires. Par ailleurs, le cas échéant, le redevable peut valablement produire des devis mettant en évidence un montant de PFAC surévalué par rapport au coût réel de ces installations. Ce type de contestation peut par exemple intervenir lorsque le montant appliqué par la collectivité est un forfait par logement arrêté à un montant proche du maximum légal : le coût des ouvrages neufs n’étant généralement pas proportionnel au nombre de logements desservis, cette pratique peut aboutir à facturer un montant de PFAC supérieur au plafond.

Sources

 Art. L.1331-7-1 du CSP 

CAA Nancy, 7/11/2013, Commune de Griesheim-près-Molsheim, n°13NC00441

L’arrêt

Lors du déploiement de l’individualisation des abonnements de fourniture d’eau, le service peut imposer un certain nombre de prescriptions techniques dès lors qu’elles sont nécessaires. A ce titre, il est courant d’exiger la pose d’un compteur général de pied d’immeuble, qui permet de comptabiliser -et donc de facturer- les consommations et les fuites des espaces communs (espaces verts, caves…) en amont des compteurs individuels. Cela passe généralement par une convention signée avec la copropriété ou le bailleur demandeur.

Pour autant, le service peut-il exiger l’installation d’un tel compteur postérieurement à l’individualisation, en s’appuyant sur la disposition suivante de son règlement de service : « l’exploitant du service est en droit d’imposer l’installation d’un compteur général délimitant le domaine public et ce à la charge des copropriétaires » ? Ou bien une telle clause est-elle illégale ou abusive, comme l’affirmait une copropriété qui se l’était vue opposer ?

Sur ces 2 motifs, elle a été déboutée par le Conseil d’Etat, qui a donné raison au service :

  • l’exigence d’un compteur général n’est pas illégale car elle respecte les règles relatives à l’individualisation issues de l’art. 93 de la loi SRU et de son décret d’application, qui prévoient que les conditions d’organisation et d’exécution de ce service doivent être adaptées, « dans le respect de l’équilibre économique du service » : l’installation d’un compteur général contribue à cet objectif ;
  • cette exigence ne constitue pas non plus une clause abusive, définie par le Code de la consommation comme ayant « pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » : ici, l’obligation d’installer un compteur général ne relève pas de cette catégorie, car elle permet, dans l’intérêt du service, de participer à son équilibre économique et de constater la délimitation entre partie privée et partie publique du réseau.

Cet arrêt est très important pour les services d’eau : la problématique de l’absence de compteurs généraux est fréquente, et ils manquaient jusqu’ici de base juridique claire et solide pour en imposer l’installation, notamment postérieurement à l’individualisation.

Désormais, ils peuvent donc non seulement exiger la pose de tels compteurs mais également en mettre le coût à la charge des copropriétés ou des bailleurs.

Il est intéressant de rapprocher cet arrêt de celui rendu quelques mois plus tard par la Cour administrative de Douai, qui a validé la disposition d’un règlement de service selon lequel en cas d’individualisation, la copropriété supporte la consommation totale relevée au compteur général après déduction de la consommation des parties communes -équipées d’un compteur- et privatives. Une telle clause, courante, n’est pas abusive.

Sources

CE 28/06/2019, loi n°2000-1208 du 13/12/2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains article 93  ; décret d’application n°2003-408 du 28/04/2003 ; circulaire UHC/QC 4/3 n°2004-3 du 12/01/2004 relative à l’individualisation des contrats de fourniture d’eau  ; art. L.212-1 du Code de la consommation ; CAA Douai22/10/2019

Avec la disparition programmée de la taxe d’habitation, que va devenir la taxe GEMAPI ?

En même temps qu’elle a institué la compétence GEMAPI en 2014, la loi MAPTAM a créé une taxe dédiée, dont le produit est affecté aux dépenses induites par les actions entreprises dans ce domaine. Cette taxe est un impôt de répartition : l’EPCI qui l’établit détermine le produit global attendu en fonction de ses besoins ; ce sont ensuite les services fiscaux qui répartissent cette recette globale entre les redevables de la taxe d’habitation (TH), des taxes sur le foncier bâti et non bâti (TFB et TFNB) et de la contribution foncière des entreprises (CFE), proportionnellement aux recettes générées par ces 4 prélèvements l’année précédente.

Dans ce contexte, une incertitude a un temps flotté sur le devenir de la taxe GEMAPI : allait-elle être maintenue malgré la suppression de la TH sur les résidences principales ? allait-elle être réformée et selon quelles modalités ?…

L’orientation retenue dans la loi de finances pour 2020 est, dans son principe, le maintien « à l’identique » : la taxe GEMAPI continuera bien à être adossée sur ces 4 taxes locales. Toutefois, c’est désormais le produit de la TH sur les résidences secondaires qui sera utilisé comme référence, en substitution à la TH sur les résidences principales. 

Dans ces conditions, c’est un changement majeur qui se profile : en effet, le produit de la TH sur les résidences secondaires étant proportionnellement beaucoup plus faible que celui de la TH sur les résidences principales au sein de l’ensemble des 4 taxes locales, les contributions des redevables de la TFB, de la TFNB et de la CFE au titre de la taxe GEMAPI vont mécaniquement fortement augmenter.

Ainsi, à titre d’exemple, le produit cumulé de ces 4 taxes a atteint au niveau national 60 Mds d’euros en 2020, dont 40% provenant de la TH.

Pour assurer aux collectivités des recettes stables malgré la suppression de la TH sur les résidences principales, la répartition entre les redevables va aboutir à un véritable basculement : en grandes masses, les redevables de la TF (les propriétaires de biens immobiliers, bâtis ou non) et de la CFE (les entreprises) vont devenir les seuls contributeurs de la taxe GEMAPI. En tout état de cause, avec la quasi-disparition de la prise en compte de la TH pour le calcul de cette taxe, les locataires (qui représentent 40% de la population) ne seront donc plus contributeurs, même s’ils résident sur le territoire et sont donc directement concernés par les politiques en matière de MA et plus encore de PI.

Certes, il s’agit là de montants « en grandes masses » : d’un territoire à l’autre, le produit des 4 taxes fluctue fortement et l’impact de ce changement d’assiette de la taxe GEMAPI sera donc très variable. Pour autant, sur le fond, il s’agit bien d’une évolution considérable.

Ce nouveau mode de répartition de la taxe GEMAPI entrera pleinement en vigueur en 2023 ; depuis 2020, un régime transitoire s’applique, différent chaque année (cf. note de la DGCL relative aux informations fiscales utiles à la préparation des budgets primitifs locaux pour 2020). Sur le terrain, il est donc nécessaire, sur la base des informations fournies par les services fiscaux, de mener des simulations sur l’impact de ce changement sur les redevables, afin a minima de les informer : cet effet indirect de la suppression de la TH sera loin d’être neutre pour beaucoup d’entre eux…

Sources

Sources : art. 1530 bis du Code général des impôts, Guide statistique de la fiscalité directe locale, Note d’information relative aux informations fiscales utiles pour la préparation des budgets primitifs locaux pour 2020

Comment un EPCI-FP peut-il financer la gestion des eaux pluviales urbaines ?

Le 1er janvier 2020, la compétence « Gestion des eaux pluviales urbaines » (GEPU) a intégré le bloc des compétences obligatoires des communautés d’agglomération, qui rejoignent en cela les métropoles et les communautés urbaines. 

Les nombreuses études préparatoires à ce transfert ont notamment mis en évidence les contours incertains de cette compétence, à la croisée de plusieurs autres, principalement voirie, assainissement collectif et GEMAPI. Un autre point délicat qui ressort avec constance de ces travaux est la question financière, d’une part pour dimensionner les besoins (exercice difficile si l’étendue des obligations et du patrimoine est mal établie) et d’autre part pour mobiliser les fonds correspondants.

En effet, en 2011, la loi Grenelle 2 avait créé une taxe dédiée, appelée à aller de pair avec un budget annexe, mais ce dispositif vertueux (le montant dû était assis sur les surfaces imperméabilisées, et décroissait si elles étaient réduites) a été supprimé par la loi de finances pour 2015.

Désormais, deux modes de financements sont disponibles : 

  • le budget général de l’EPCI : dégager des ressources en son sein est évidemment difficile. Toutefois, comme pour toute compétence transférée, le principe de neutralité financière est censé opérer : par le biais des attributions de compensation (AC), l’EPCI doit bénéficier de moyens au moins équivalents à ceux que mobilisaient jusqu’alors les communes. Ce mécanisme, efficace pour des compétences « mâtures » (contours clairs, exercice récurrent et structuré dans les communes, flux financiers stabilisés…), atteint toutefois ses limites sur la GEPU : la reconstitution des dépenses « pré-transfert » est souvent difficile (par méconnaissance du patrimoine et des temps passés et/ou parce que les communes ne jouent pas toujours le jeu) et le coût d’exercice « post-transfert » s’annonce généralement sensiblement supérieur. La plupart des études préalables mettent en effet en évidence des niveaux de service (très) hétérogènes, ainsi que des retards d’investissement importants. Dans ces conditions, les montants que les EPCI retiennent sur les AC reversées aux communes sont le plus souvent inférieurs aux besoins de financement qu’ils vont devoir assumer, et le budget général dans son ensemble doit alors être mobilisé en complément (réorientation de certains fonds, emprunt), ce qui ne se fait pas toujours sans douleur ;
  • les fonds de concours apportés par les communes : le CGCT permet de recourir à ce mécanisme entre EPCI-FP et communes membres « afin de financer la réalisation ou le fonctionnement d’un équipement ». Sur la thématique GEPU, cet outil permet de rechercher des contributions individuelles de la part des communes sur le territoire desquelles l’EPCI va réaliser des investissements dont le bénéfice est généralement localisé. Cette approche est souvent appréciée : d’expérience, le consentement des autres communes à financer intégralement les travaux avec des fonds communautaires est souvent réduit, surtout lorsqu’ils visent à compenser des carences passées. Dans ces conditions, le fonds de concours offre une diversification intéressante des ressources, qui repose toutefois sur l’accord des communes concernées : il se met en effet en place sur la base de délibérations concordantes. En outre, son montant est plafonné : il ne peut dépasser la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire de ce fonds. Enfin, il ne s’agit pas d’un financement récurrent : il est mobilisé opération par opération. Malgré ces limites, cet outil ne doit pas être négligé car il peut représenter un complément bienvenu pour les EPCI. Idéalement, son utilisation passe par une approche pluriannuelle, d’une part pour donner de la visibilité financière aux communes et d’autre part pour afficher l’équité de la démarche entre les communes sollicitées.

On le voit, le financement de l’exercice de la compétence GEPU va donc nécessiter une étroite coopération entre communes et EPCI et ne sera certainement pas sans impact sur les finances de ces derniers. Dans un contexte de construction de projets communautaires suite au renouvellement des assemblées et des exécutifs, voilà un sujet qui s’annonce sensible.

Sources

compétence GEPU : art. L.2226-1  ; fonds de concours pour les CC art. L.5214-16 V du CGCT, pour les CA art. L.5216-5 VI , pour les CU art. L.5215-26 CGCT